Bonjour,
Autant l'impact des températures chaudes sur la fiabilité des composants électroniques est documenté, autant l'impact des températures basses l'est peu.
Or j'ai 2 clients qui, pour des applications aéronautiques civiles, me posent la question suivante.
Dans vos conceptions, vous utilisez des composants spécifiés à -40°C pour un produit spécifié à -55°C. Quel impact le fonctionnement à -55°C a-t-il sur la fiabilité et la durée de vie de ces composants ?
J'ai bien sûr lu ce qui ce dit sur les porteurs chauds. J'ai compris que les composants spécifiés à -40°C sont de facto garantis contre ce risque qui apparaît plus haut en température.
Je connais les problèmes quant au démarrage potentiellement erratique des oscillateurs ; je connais les risques avec les condensateurs électrolytiques.
Mais au delà, je suis à cours d'information formelle (« evidence » disent les anglophones).
Je suis à peu près sûr qu'on ne peut plus utiliser la loi d'Arrhenius.
Ayant fait plusieurs campagnes HALT sur des électroniques complexes, je sais qu'on peut atteindre -100°C en fonctionnement nominal pour -40°C spécifié (baie électronique gros porteur).
Je sais qu'on peut faire du HASS à 3, voire 4 sigma, par rapport à ce -40°C.
Tout cela me rend confiant quant à la relative innocuité des températures basses (-55°C) sur des composants spécifiés à -40°C.
Mais je suis vraiment à la recherche de documentation ou d'études ou de thèses me permettant d'étayer mon retour d'expérience personnel.
Vous remerciant par avance pour les retours et informations que vous sauriez me faire parvenir.
Jean de La Bardonnie
Fiabilité composants à basse température
Sun, 23/06/2013 - 16:29
#1
Fiabilité composants à basse température
Bonjour,
1) La prévision de fiabilité n'est applicable que dans le domaine d'environnement pour lequel le composant est qualifié (il me semble avoir déjà écrit ça quelque part dans une page 35). Utiliser un composant qualifié pour fonctionner jusqu'à -40°C seulement à des T° allant jusqu'à -55°C revient à s'exposer à des problèmes de non fonctionnement, qu'il y ait des pannes ou non. De nombreux composants ne fonctionnent pas correctement à basse température sans être en panne. Parfois il y a même juste un créneau de 1°C dans lequel ça ne marche pas au milieu d'une plage de T° où le fonctionnement est correct. La qualification du composant (par quelque moyen que ce soit, essais, analyses...) est donc un pré-requis sans lequel il est vain de parler de fiabilité prévisionnelle.
2) La loi d'Arrhenius reste tout à fait applicable à très basse température : elle dit que les mécanismes de défaillance qu'elle traite y sont négligeables, ce qui est bien le cas. Ce sont d'autres mécanismes de défaillance, pour lesquelles nous n'avons pas de loi d'accélération dans le Guide FIDES qui pourraient être actif. Dont le fameux "hot-carrier injection".
3) Je ne partage pas votre optimisme quant à l'innocuité des basses températures quand on procède a des extensions de domaine d'emploi. Au contraire l'expérience semble indiquer que cet exercice, possible et largement pratiqué dans la défense, est semé d'ambuches.
4) Certaines publications sur le sujet proposent des courbes du type Arrhenius inversé pour prolonger l'Arrhenius standard dans les basses températures. Je m'en méfie. Ces publications présentent deux travers typiques : 1) elles ignorent l'effet du cyclage thermique, qui peut être le responsable des pannes observées à froid. 2) aucune physique des défaillances ne vient soutenir les modèles proposés.
5) Dans la construction du Guide FIDES 2009 la question de la modélisation des mécanismes de défaillance actifs à basse température a été abordée. La conclusion a été que ces effets sont marginaux pour les applications que nous connaissions, en particulier par rapport à l'effet du cyclage thermique, et qu'en conséquence la complexification des modèles ne valaient pas le coup. Il y a quelques exceptions, mais pas pour les CI ou les discrets actifs : il s'agits des relais et switchs, qui ont des modèles très spécifiques.
6) La littérature et la documentation sur ce sujet semble effectivement très pauvre et je n'ai rien à conseiller si ce n'est les publications du JEDEC sur les mécanismes de défaillance.
En somme ce qui semble important est de disposer d'une bonne qualification. Une fois celle ci acquise, les problèmes de fiabilité sont ceux qui sont bien modélisés dans le Guide FIDES.
Bon courage,
Lambda